Les Sifflets dans la Marine nationale
Depuis longtemps, dans la marine, le sifflet est utilisé :
- Comme moyen de transmission principal en mer.
- Comme instrument de sécurité. On le trouve sur les grands navires qui possèdent ce moyen pour signaler leur approche. On le trouve également sur les embarcations de taille plus modeste sous la forme d'une corne de brume. Enfin, on le trouve sur les gilets de sauvetage et les gilets de plongée sous-marine.
- Comme instrument de manœuvre. On a trace de l'utilisation du sifflet comme instrument de manoeuvre au cours des croisades via les mémoires du sire de Joinville (histoire de Saint Louis, Paragraphe 377: "le siblet"). On le retrouve ensuite sur les galères au XIVème siècle, pour rythmer la cadence; il est alors nommé fisquet.
Le plus connu est le sifflet de manoeuvre ou "Bosco": Il se compose d'un tube cylindrique métallique (le canon) dont le siffleur porte à la bouche le bout supérieur, l'autre bout étant terminé par une boule percée d'un trou (la bouée), que le siffleur tient toujours en main pour moduler les sons et les faire varier.
La quille sert à garantir la tenue du sifflet dans la main et la chaîne (de montre gousset munie d'une petite patte de cuir, qui permet d'attacher le sifflet au bouton de la poche poitrine de la vareuse) sert à porter le sifflet autour du cou afin de l'avoir toujours à porté de main.
Utilisation du sifflet de BOSCO: |
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Les notes
Il ne faut pas serrer le canon avec ses dents. Il faut laisser ses doigts venir bien loin de la bouée et avec la force suffisante pour produire une note basse (grave) et claire. Pour produire une note haute (aiguë), on doit plier les trois autres doigts vers le bas jusqu'à ce qu'ils touchent le pouce (s'assurer qu'ils sont fermés ensemble). Fermer au-dessus de la bouée et souffler beaucoup plus fort dans le canon permet de produire une note beaucoup plus haute que quand les doigts ne sont pas sur la bouée.
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Les sons |
Dans le Dictionnaire des commandements faits avec le sifflet à bord des bâtiments de guerre (Thomas - Marie LETOURNEUR - capitaine de vaisseaux - 2ème édition - 1819), on obtient des explications complémentaires: des signes élémentaires (décrits par des onomatopées telles que : i , it ou rui , rr , t , ti , tit , uit) désignent les modulations que le gabier utilise sur son sifflet. En face de chacun de ces termes est représenté une sorte de portée de musique à 2 lignes seulement (le son haut et le son bas) et sur lesquelles la note du sifflet est placée en notation conventionnelle de musique. On trouve donc des croches et des doubles croches liées par groupes et possédant également les signes musicaux que l'on rencontre dans une partition, comme : la trille, le silence, la note pointée, etc.
Les sons recomposés à partir du Dictionnaire du Capitaine de Vaisseau LETOURNEUR et ceux reconstitués à partir des données du décret de 1975 sur les honneurs dans la Marine nationale sont ceux de ce sifflet.
Le "dictionnaire des commandements faits avec le sifflet, à bord des bâtiments de guerre" du Capitaine de Vaisseau Thomas M. LETOURNEUR, daté de 1834, ne traite que des ordres pour l'action dans les gréements ; il n'y a pas d'ordres au sifflet pour la vie courante ou les honneurs. Ces derniers, limités à un seul sifflement variable en longueur, ont été rajoutés. Ils sont reconstitués à partir des explications données dans le Décret de 1975 sur les honneurs dans la Marine nationale, et complété par une explication des ordres au sifflet de modèle non défini. On notera aussi que le terme « Sifflet » s'applique aussi à un objet faisant partie de la machinerie. Il sert pour les transmissions d'avertissement entre navires. Quelques signaux sonores en vigueur internationalement sont enregistrés.
Le sifflet fut utilisé dans la Marine bien avant de l'être dans l'Armée de Terre. On assista ensuite à un mouvement contraire. Alors qu'au temps de la marine à voile, le « bosco » (appellation usuelle du sifflet de manœuvre et du maître d'équipage qui l'utilise) était exclusivement employé pour les manœuvres du gréement, il fut remplacé sur les navires modernes par des sonneries au clairon assez proches de celles de l'armée de terre pour la vie à bord et les honneurs.
On notera qu'il ne s'agit que des sonneries de commandement à bord d'un navire. Elles ne nécessitent donc pas de refrain de reconnaissance des unités.
Les informations ci-dessous sur l'emploi du sifflet pour la transmission des ordres ne sont pas exhaustives. Elles s'appuient sur des documents datant d'avant la première guerre mondiale. Les transcriptions musicales ne sont pas toujours exactes car l'état de conservation des documents (et certains termes de marine anciens) n'a pas, parfois, permis de les lire correctement.
Les Honneurs sifflés ont été recomposés à partir de descriptions simplifiées du décret de 1975 sur les honneurs dans la Marine nationale. Ils n'existent pas dans le Dictionnaire du C.V. LETOURNEUR et sont donc de tradition récente; de plus ils ne sont utilisés que s'il n'y a pas de clairon disponible à bord.
Commandements au sifflet dans la Marine nationale
Le sifflet le plus communément connu par le « non marin » est le sifflet au ton très aigu dit "sifflet de manœuvre" ou "de gabier" ou plus ordinairement "sifflet de Bosco". Ce nom vient de son origine. Les informations disponibles au sujet des commandements au sifflet peuvent porter à confusion car le type de sifflet utilisé n'est pas précisé: sifflet de Bosco, sifflet à roulette ou sifflet du navire
Aujourd'hui, le sifflet est conservé sur les navires de guerre pour rendre les honneurs. En France, dans la Marine Nationale, ces honneurs sont rendus en particuliers, aux officiers de toute arme et de toute nation - ainsi qu'aux personnes assimilées - quand ils montent à bord d'un navire et quand ils le quittent. Les ordres au sifflet de manœuvre ne sont plus employés depuis qu'il n'y a plus de grands voiliers. Ils ont été recréés à partir du Dictionnaire du Capitaine de Vaisseau LECOUVREUR édité et ré-édité vers 1820. Il est complété par les sifflets d'honneur encore parfois utilisés à bord. Ces derniers ont été reconstitués à partir des indications du Décret de 1975 sur les honneurs dans la Marine nationale qui reprend la notation du Dictionnaire de 1820.
Exemples de quelques coups de sifflet dans la Marine nationale française:
Dans l'Almanach du Drapeau (1904) les ordres suivants sont présentés:
1 coup allongé suivi de 1 coup bref de 2 coups brefs de 3 coups brefs 3 coups allongés 2 coups roulés suivis de 1 coup simple 2 coups roulés suivis de 2 coups simples 3 coups roulés Série de roulements aigus.............. 1 coup allongé puis décroissant suivi de 1coup bref. 1 coup allongé puis décroissant suivi de 2coups bref. 3 coups allongés suivis de 2 coups brefs 2 coups allongés suivis de 2 coups brefs 1 coup allongé suivi de 2 coups brefs. 1 coup simple. 1 coup allongé, 2coups simples 3coups simples............. 4coups simples............. 1 coup allongé, 1 coup roulé 1 coup allongé, 2 coups roulés |
Sur le pont, les Tribordais ! Sur le pont, les Bâbordais ! Sur le pont, les deux Bordées ! En haut tout le monde, sans exception ! Repas des Tribordais ! Repas des Bâbordais! Repas des deux Bordées! V ire au cabestan ! Tous les quartiers-maîtres et seconds maîtres doivent se rendre au grand panneau? Faites l'appel ! Rendez l'appel ! Venez rendre les honneurs à un Officier général qui monte ou descend ! Venez rendre les honneurs à un Officier supérieur qui monte ou descend ! Venez rendre les honneurs à un Officier qui monte ou descend ! Faites armer la chaloupe Faites armer le grand canot ! Faites armer le canot N°1! Faites armer le canot N°2 ! Faites armer le canot du Commandant ! Faites armer le canot major ! |
De nos jours les appels sont à peu près les mêmes:
Passer sur le bord :
Pour un officier général : 3 coups allongés et 2 coups brefs
Pour un officier supérieur : 2 coups allongés et 2 coups brefs
Pour un officier subalterne : 1 coup allongé et 2 coups brefs
Tout le monde sur le pont : 3 coups allongés
Une bordée tribord : 2 coups allongés, suivis de 1 coup bref
Une bordée bâbord : 2 coups allongés, suivis de 2 coups secs
Pour toutes sortes de commandements : 1 coup allongé d'attention
Repas d'une bordée : Tous les sifflets, 2 coups roulés
Repas des 2 bordées : Tous les sifflets, 2 coups roulés
Faire armer ou appeler un canot :
La chaloupe : coup de sifflet d'attention, 1 coup simple
Le grand canot : coup de sifflet d'attention, 2 coups simples
Canot n°1 : coup de sifflet d'attention, 3 coups simples
Canot n°2 : coup de sifflet d'attention, 4 coups simples
Canot du commandant : coup de sifflet d'attention, 1 coup roulé
Canot major : coup de sifflet d'attention, 2 coups roulés
Baleinière n°1 : coup de sifflet d'attention, 3 coups roulés
Baleinière n°2 : coup de sifflet d'attention, 4 coups roulés
Youyou n°1 : coup de sifflet d'attention, 1 coup pour appeler les mousses
Youyou n°2 : coup de sifflet d'attention, 2 coups pour appeler les mousses
Référence: Jean-Philippe Chalaye, 12 mars 2004
Lien vers les Ordres de marine au sifflet